lundi 20 mars 2023

Etudes ciguatéra : aucun des requins testés n’est positif !

Cette information est loin d’être neutre, la mise en ligne sur le site de la Pref, quasiment en misouk, des résultats des études ciguatéra menées sur 90 requins bouledogue et tigre pêchés lors des collectés au travers des projets Caprequin 2 et Valorequin, entre 2012 et 2016, ne montre aucun résultat démontrant l’existence d’un risque de toxicité relatif à la consommation de requins pêchés dans les eaux de La Réunion.

C’est sur la base de l’existence d’un risque d’intoxication que la commercialisation de la viande de requin avait été interdite à La Réunion en 1999. L’Etat avait en fait élargi aux requins l’interdiction qui portait jusqu’alors sur certaines espèces de poissons, des prédateurs majoritairement, au-delà d’un certain poids, lorsqu’ils étaient importés de Maurice, tout particulièrement lorsqu’ils étaient pêchés sur les bans de Saya de Malha ! Des zones où les poissons en bout de chaîne alimentaire étaient porteurs de ciguatoxine. Le seul scientifique réunionnais à s’être penché sur cette réalité-là, Jean-Pascal Quod, expliquait que dans les années 90, faute d’une connaissance approfondie du risque, l’interdiction préfectorale était systématique, faute de mieux et frappait toutes les espèces au-delà d’un certain poids. L’élargissement de l’interdiction de commercialisation aux requins a donc procédé d’une démarche mimétique fondée sur un principe de précaution, et appliquée de façon totalement empirique. Pour des raisons "politiques" et absurdes, l’interdiction a été élargie à Mayotte.

En effet, s’il arrive que des intoxications graves soient rapportées suite à la consommation de chair de requin ou de tortue, notamment à Madagascar, il ne s’agit pas pour autant forcément de ciguatoxine. D’autres biotoxines peuvent être en cause qui sont présentes dans la chair des requins, certes mais aussi des tortues, d’autres poissons et de mollusques. Chez les tortues, on parle de chelonitoxines et s’agissant des requins, de carcharotoxines !

Les espèces de requins en cause à Madagascar sont régulièrement le requin bleu, le requin balestrine, le requin tigre, le grand requin marteau ! entre autres espèces de poissons toxiques bien documentées. Ces intoxications font état de tableaux cliniques proches, neurologiques notamment, avec des variantes en termes de sévérité, de la gêne, à l’apparition de symptômes handicapants, plus ou moins durables, certains pouvant entraîner la mort.

A La Réunion ou à Mayotte il est plus que rare que de tels épisodes soient rapportés. Néanmoins, c’est sur l’éventualité d’un tel risque que la commercialisation du requin a été interdite et sa pêche, de fait abandonnée par les professionnels, faute de débouchés. Par ailleurs, on ne s’est jamais donné les moyens de développer de véritables programmes de recherche sur les molécules marines actives, des biotoxines capable de produire de tels effets. Ce domaine d’étude représente pourtant un boulevard pour les instituts de recherche tels que l’IRD, ex-ORSTOM dont la compétence dans ce domaine est historique.

Sauf à La Réunion peut-être où l’idéologie semble s’être substituée à l’esprit de recherche véritable. De fait, il est bien difficile aujourd’hui de tester les prises incriminées et on s’est donc rabattu sur la piste ciguatéra ! qui s’est avérée vaine. Sur les lots testés, avec les batteries de tests utilisées.

Conséquence première de la disparition de la pêche des requins bouledogue et tigre, ces top prédateurs ont proliféré et éliminé toute concurrence dans nos eaux. Il en résulte en grande partie la crise requin telle que nous la connaissons, les morts et les estropiés résultant d’attaques d’une rare férocité. L’interdiction dessalages et des eaux libres, des sports de glisse ! L’effondrement de toute une économie.

La leçon de cette crise est qu’il faut relancer l’effort de pêche pour réguler des populations de bouledogue et de tigre devenues envahissantes et extrêmement dangereuses. Reconquérir les eaux de la zone anthropique du littoral et restituer l’accès et la pratique des loisirs et sports de glisse, des sports nautiques. Sécuriser ces mêmes zones.

Parallèlement, des recherches doivent être reprises sur les molécules actives marines, les biotoxines, qui peuvent s’avérer être tout aussi bien des poisons que les médicaments de demain. Il serait en outre possible de mettre au point des tests fiables pour la commercialisation et la consommation de poissons potentiellement dangereux selon les zones où ils sont pêchés.

De quoi sortir de la crise requin par les outils de la RAISON, n’en déplaise aux fanatiques qui ont fait du requin le totem d’un animalisme synonyme de misanthropie clinique.

Phlippe Leclaire - Le Journal de l’île / p.3