vendredi 09 juin 2023 ![]() |
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Est-ce que tante Yvonne en avait… | |||
N’ayez crainte, pas de sacrilège, c’est d’un statut de première dame que nous parlons. "Tante Yvonne", comme on l’appelait alors, l’épouse du Général, qui a partagé avec lui la guerre et l’exil, la disgrâce et la gloire, avait conquis noblement et avec abnégation le surnom que la France lui avait donné. Jamais elle n’eut besoin de statut à l’américaine, pas plus que De Gaulle celui de dictateur. C’était il y a longtemps et De Gaulle n’aurait jamais imaginé non plus la France présentant un budget déficitaire 43 ans d’affilée. Autres temps autres mœurs, notre pays qui flirte avec le dépôt de bilan, éprouve de grands élancements moraux. Rien de tel qu’une bonne couche de morale pour camoufler la grande misère de l’État qui n’est même plus capable d’armer correctement ses soldats. La loi de "confiance dans la vie politique", ou quel que soit le nom que l’on donne à cet emplâtre sur jambe de bois, n’a d’autre vocation que cosmétique, car enfin, qui pourrait croire que la proscription des conjoints, concubins, parents et enfants, ceux du conjoint ou concubin des ministres, députés, sénateurs, maires et présidents et vice-présidents des exécutifs locaux, suffirait à mettre un terme à cette variante du clientélisme qu’est le népotisme, s’agissant de l’accès privilégié à des emplois de cabinet ou d’attachés parlementaires ? Personne, même pas le président Macron qui entend bien donner un statut officiel de "Première Dame", ou de "First Lady" à Brigitte, son épouse. Promesse de campagne dit-on… Depuis quand le Président est-il tenu de tenir les promesses du candidat, surtout celles qui n’engageaient que lui et ne concernaient que sa Dame ? Jupiter-Macron semble pourtant pressé de voir Junon-Brigitte siéger à ses côtés au sommet des champs élyséens. Et pour ce faire, les 450 000 euros annuels dont bénéficiaient les précédentes Dames, François Hollande n’ayant pas hésité à démystifier par anticipation l’utopie de la First Lady en jouant des concubines et du concubinage, quitte à jouer les Roméo en scooter, font un peu léger. Brigitte Macron veut sa part du pouvoir, ou du moins, Jupiter le lui a-t-il promis avant d’y accéder. À ce qu’il paraît, s’opposer à un statut du conjoint présidentiel serait tout bêtement sexiste, et signer des pétitions en ce sens n’en parlons pas, car ce serait l’expression d’un désir inavouable et fatalement machiste, celui de contraindre la dame en question dans un rôle ornemental, quand le caractère de Brigitte Macron constituerait une extraordinaire opportunité de faire avancer des causes. Danielle Mitterrand n’était pas plus Première Dame que Tante Yvonne, ce qui ne l’a pas empêchée de militer pour ses marottes, soutenant publiquement Castro et le voile islamique à l’école (1989), critiquant le gouvernement, battant la campagne aux quatre coins de la planète. François Mitterrand qui était polygame appréciait sans doute les voyages de sa première dame, mais il ne modifia en rien son statut en tant que tel. Et pourquoi le faudrait-il ? L’élection présidentielle voit un candidat être élu et non point un couple. Madame Macron appartient à la sphère privée du citoyen Macron et au-delà de la représentation ou de la figuration honorifique, rien ne la prédispose à occuper d’autres fonctions, même symboliques. Cette volonté exprimée du président jupitérien repose sur un évident besoin de légitimation de sa personne, au sommet de l’État, au sein d’un couple symbolique et sécurisant. Cet appétit de conformisme en devient presque inquiétant en ce sens qu’il s’abstrait de la norme moralisatrice qu’il entend imposer aux élus et à leurs familles, stigmatisées par principe comme vecteurs de corruption morale. Et le pire réside dans le fait que ces mêmes élus - parlementaires - ont majoritairement voté cette condamnation, plaçant au-dessus de la nouvelle loi morale, le seul couple présidentiel. De Gaulle payait son électricité et son gaz à l’Elysée. Madame Macron, dès la campagne électorale, était sponsorisée par les plus grands couturiers et accessoiristes de mode. Philippe Leclaire - Le Journal de l’île / p.3 |