Trois jours après le discours funèbre d’Alain Juppé, son constat cruel et cinglant ne cesse d’être validé à mesure que continue cette drôle de campagne. Parlant aussi bien du Front national que de la gauche mais aussi de son propre camp, le maire de Bordeaux, malgré son expérience, semble éberlué du "discrédit de l’établissement politique".
Le spectacle offert par nombre de cadres de LR est - il est vrai - affligeant. Depuis lundi soir, tous ceux qui montraient les muscles, annonçaient qu’ils allaient monter sur la table, et braillaient pour obtenir la répudiation de François Fillon sont rentrés dans les rangs.
Gérard Larcher, président du Sénat et roi de la valse-hésitation, estime finalement que François Fillon doit porter le projet après avoir tant manœuvré pour le faire tomber. Ayant jeté leurs couteaux, les Sarkozystes se disent "unis" derrière lui. Et demandent maintenant au candidat LR de "tendre la main à ceux qui ont douté". Le trio Pécresse-Bertrand-Estrosi, qui exigeait une rencontre pour une "sortie respectueuse", chante à présent pour "l’unité de toutes nos forces".
Quant à Jean-Pierre Raffarin, il peut bien ironiser sur le "recyclage des caciques socialistes chez Macron". C’est sûrement une façon de se donner un coup de pied aux fesses pour se forcer à faire campagne pour le candidat de son camp. Car il doit être encore sonné après l’abandon d’Alain Juppé.
Reste le cas croquignolesque de l’UDI. Le parti centriste qualifie désormais François Fillon de "candidat légitime". Et dans un langage très soviétique lui demande de prendre "des initiatives de rassemblement". Là aussi, on ne rit pas. Mais l’électeur aura vite compris que l’UDI fait allusion à un accord électoral sur des circonscriptions aux législatives. Personne n’a toutefois oublié que l’UDI avait demandé la semaine passée le retrait de François Fillon et avait annoncé ne plus faire campagne.
Loin d’être dupe de ces mesquineries, François Fillon en appelle désormais "au rassemblement" pour "foncer avec (lui) pour la France". Après tant de défections et la réapparition de profondes fractures sur les lignes politiques, l’heure ne peut être celle de la vendetta.
Le candidat LR dont tant voulaient se débarrasser semble prêt à passer l’éponge au nom de la mobilisation et de l’efficacité. Mais les discours incantatoires sur la fin des divisions, le partage des mêmes valeurs et objectifs, semblent bien fragiles.
Dans sa confirmation "une bonne fois pour toutes", Alain Juppé a dit ne pas avoir eu "l’intention de s’engager dans des tractations partisanes ni des marchandages de postes". François Fillon, lui, y est désormais contraint. Même s’il a éradiqué toute tentation de plan B. Même s’il assure qu’il est candidat "devant le peuple français" qui seul décide.
Jérôme Talpin - Le Journal de l’île / p.3
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